Viviers d’amour
Aux êtres infertiles mais pleins d'espoir et désirants
(Les Vœux)
Ma mère a appris à broder, dans sa jeunesse, et a conservé quelques vestiges de cette époque. Ces objets de couture m’ont inspiré la création de petites poupées zoomorphes.
Ces poupées pourraient servir à la relaxation, en les malaxant, mais également de fétiches contre des infertilités, si on y fichait des aiguilles, pourquoi pas...
Chaque panse est emplie d'une variété différente de graine alimentaire (lentilles corail, lentilles vertes, semoule de blé dur, millet décortiqué, pois cassés, perles du Japon, riz rond) de
grosseur et rondeur propice à ces manipulations.
Photographies © Sarah Preston
Si autrefois on préparait les jeunes filles à devenir bonnes épouses et parfaites femmes au foyer en les initiant aux travaux d'aiguilles aux fins de confectionner leur trousseau, cette activité infiniment "genrée" n'était guère vectrice d'éveil et d'émancipation.
Encore moins si on conjugue à cela une origine sociale "défavorisée".
Les termes du règlement en vigueur dans un "Ouvroir pour les jeunes filles à Fort-de-France" définissent bien cette situation :
"[...] inculquer aux jeunes filles de la population ouvrière de Fort-de-France, par une éducation appropriée à leur condition, des habitudes d’ordre, de travail et de régularité.
Destinées à embrasser plus tard les professions d’ouvrières, de bonnes d’enfants, de domestiques, les jeunes filles admises dans cet établissement sont principalement affectées à des travaux d’aiguille, aux soins du ménage, à la cuisine, à la buanderie, au repassage. Une heure seulement le matin et l’après-midi est consacrée à l’instruction religieuse et à la lecture.
[...] Afin que les fruits de leur éducation ne se perdent sous l’influence des mauvais exemples, les élèves, autant que les circonstances le permettent, ne quittent pas la maison avant dix-huit ans".
in Joseph Zobel, Terre des gens sans terre : petite histoire de l'école à la Martinique (L'Harmattan, 2003)
Ce kit-ci serait d'exutoire aux directives injustes, à toutes les injonctions et à leur lot de frustrations induites. Des sacs à malices où fourrer tous ces désirs innommés, ces souhaits informulés, toutes ces ambitions (à germer).
(Ci-dessous les Viviers tels que présentés du 8 octobre au 7 novembre 2019 à la MPAA-Breguet, dans le cadre de l'exposition sur les Sorcières d'aujourd'hui)
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